===================================================== > Les significations de la révolte > des jeunes des quartiers défavorisés > ----------------------------------------------------- > par le groupe Copernic > "Territoires et nouvelles formes de contrôle social" > composé d'un collectif d'élus, de professionnels, > de responsables associatifs et de chercheurs. > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > Copernic flash nov 2005 > ===================================================== > > > Depuis une quinzaine d'années, les quartiers d'habitat social ont fait > l'objet > de violences urbaines : Vaulx-en-Velin, Strasbourg..... Le terme > "violences > urbaines", inventé en particulier par les médias dans les années 90, est > une > référence forte des politiques de sécurité. Aujourd'hui, les actes de > violence > immédiate, d'incendies de voitures et de bâtiments publics ont été d'une > ampleur sans précédent dans un nombre important de quartiers d'habitat > social. > > Nous proposons dans ce texte d'analyser sommairement les significations > socio-politiques de ces violences : quels sens ont-elles pour ceux qui les > commettent, même s'ils n'ont pas les mots pour le dire ? Comment > réfléchir, > dans un dialogue politique, avec ceux qui habitent dans les mêmes > endroits, qui > ont vécu ces incidents et ont eu peur ? Les personnes les plus confrontées > à la > précarité et aux effets des politiques libérales sont les premières aux > prises > avec ces incidents. Le dialogue avec elles est essentiel pour éviter des > dérives racistes, de refus de l'autre, de négation des problèmes de cette > jeunesse qui se révolte et de leurs parents. > > Ce texte est rédigé par des élus, des professionnels, des responsables > associatifs, des chercheurs qui sont impliqués avec l'ensemble des > personnes > qui vivent dans ces quartiers de plus en plus ségrégés et stigmatisés. Le > travail quotidien montre un autre visage que celui véhiculé par la > télévision : > celui de personnes qui vivent et se débrouillent des difficultés > auxquelles > elles sont confrontées, qui inventent de nouvelles solidarités, qui > affirment > qu'elles vivent ici depuis de nombreuses générations et sont, pour la > plupart, > françaises. > > _______________________________________________________________ > 1. Des violences urbaines > à la révolte des jeunes des quartiers défavorisés > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > 1.1. Pourquoi les prises de position du ministre de l'Intérieur > par rapport aux jeunes et aux policiers > sont à la fois une provocation et un projet politique ? > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > > En désignant les jeunes de "racaille" et de "gangrène", en menaçant de > nettoyer > les cité au Karcher, le ministre de l'Intérieur n'a pas tenu son rôle > d'autorité. En utilisant ces termes qui, prononcés par lui, ont valeur > d'insultes, il a posé des actes de violence et a encouragé la violence et > le > racisme au sein de la police. Tenir une police démocratique est un enjeu > central et difficile, car la tâche même des policiers qui est d'utiliser > la > force en référence à la Loi et au statut qui lui est confié, confronte > chaque > policier à ses propres limites. > > Dès son arrivée en 2002, M. Sarkozy a supprimé la police de proximité. Il > a mis > fin aux travaux engagés depuis environ 6 ans en référence à ceux de la > police > canadienne, afin de créer des capacités dissuasives au sein de la police > par > rapport aux traitements des violences quotidiennes. La suppression de ces > travaux a encouragé la police à se réorienter vers un mode d'affrontement > direct par un renforcement du quadrillage du territoire. L'armement des > policiers par le flash-ball est significatif de ce changement. Plusieurs > fois, > au cours des dernières années, le Ministre de l'Intérieur a encouragé des > policiers à réagir par la force et par la confrontation directe. Ces > derniers > mois, toutes les observations montrent que les policiers avaient toute > latitude > pour adopter des conduites qui vont au-delà des normes de leur métier. Si > les > premières campagnes sécuritaires ont été menées dès 1996 par des > gouvernements > socialistes, M. Sarkozy a dépassé sciemment les limites de sa mission. > Cela ne > relève pas d'une réaction impulsive mais d'un projet politique. L'absence > de > respect des droits et des limites de la Loi contribue à développer la peur > et > autorise la construction de modes d'intervention de plus en plus > sécuritaires. > Les modifications des lois en témoignent, ainsi que les projets de > construction > de prisons pour les jeunes mineurs. Ces dernières semaines, le Ministre de > l'Intérieur n'a pas tenu son rôle d'autorité. Aussi chaque policier a t-il > représenté pour les jeunes le ministre de l'Intérieur " en direct ". > > L'intervention d'élus, de professionnels, d'adultes hommes et femmes et de > jeunes a permis de limiter cet embrasement. Présents dans les quartiers, > sur > les lieux mêmes, durant plusieurs nuits, ils ont mené un dialogue et un > travail > pour rassurer la population. Celui-ci a limité les violences contre les > personnes elles-mêmes -il n'y a heureusement pas eu de mort- et les > bâtiments > publics (écoles, gymnases..., mais aussi commissariats de police). Parfois > le > dialogue avec les policiers a été aussi important qu'avec les jeunes pour > limiter la violence et calmer les tensions. Ces personnes ont joué un rôle > de > médiateur. Leur refus des violences immédiates ne signifie pas > qu'elles-mêmes > ne soient pas révoltées par les situations actuelles et par les politiques > menées. L'implication de l'ensemble de ces personnes lors de ces journées > a, > dans nombre de sites, renforcé les solidarités. Comment contribuer à ce > que ces > capacités collectives constituent les fondements d'actions collectives > pour > lutter sur la durée contre ces politiques ? > > Il y a urgence à trouver d'autres modes de dialogue politique avec les > jeunes et > avec l'ensemble des adultes pour créer des formes de lutte plus actives > par > rapport à ces politiques. > > > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > Comment la télévision, en particulier les journaux télévisés, > ont contribué à la diffusion de la révolte ? > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > > La révolte initiale est née à Clichy-sous-Bois en Seine Saint-Denis puis > s'est > étendue à plus de deux cent villes en France, en particulier des petites > villes > moyennes. Ceci ne doit rien au hasard. Aujourd'hui nombre de jeunes de ces > villes cumulent à la fois l'exclusion urbaine due à leur localisation > périphérique et l'exclusion sociale. Ils disent souvent qu'ils ne sont pas > reconnus. A la différence, les jeunes de la banlieue proche passent à la > télévision et font l'objet de représentations visibles même si elles sont > stigmatisantes. > > Dans cette dynamique, exister par l'image télévisuelle constitue un enjeu. > C'est > une façon d'exprimer son existence par la rage et la révolte. Des > discussions > avec ces jeunes ont souvent montré qu'ils y ont un plaisir immédiat et que > celui-ci est de très courte durée... > > Tous les adolescents, quels que soient leurs milieux sociaux, ont besoin > d'exister par rapport à leurs proches mais aussi par rapport à la société. > C'est le moment de leur vie où ils prennent position par rapport au monde > social et politique. Quand on est en échec scolaire, qu'il est difficile > d'imaginer l'avenir, que les parents ne sont pas à même de vous inscrire > dans > le champ social, exister à la télévision devient un enjeu. L'exercice de > la > violence est une des façons de se faire connaître. Pour autant nombre de > jeunes > ne se reconnaissent pas dans cette image. C'est à la fois eux et pas eux. > L'exercice de violences immédiates les inscrit dans une jouissance qui ne > leur > confère ni valeur, ni reconnaissance d'eux-mêmes. En cela il existe un > chemin > entre ces violences et leur inscription politique. > > La télévision en condensant ces images de violence, d'incendies, > d'affrontements > et en les diffusant au-delà des frontières ne peut que contribuer à > renforcer > ces processus. Internet, au travers des blogs de jeunes qui montrent et > commentent des images des incendies, contribue aussi la médiatisation de > ces > révoltes. Comment faire une télévision qui permette à ces jeunes, à leur > famille d'exister autrement dans les valeurs de solidarité et d'invention, > sans > idéaliser les réalités qu'ils vivent ? > > > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > Qui sont ces jeunes qui ont été impliqués > et acteurs de cette révolte ? > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > > Les données actuelles et nos observations montrent qu'il s'agit bien d'une > révolte immédiate et prévisible mais non organisée. La plupart de ces > jeunes > sont des adolescents, garçons, entre 14 et 20 ans. Beaucoup d'entre eux > sont > scolarisés. La plupart, en dépit des déclarations du Ministre de > l'Intérieur, > n'ont aucun casier judiciaire. Toutes les interprétations disant que cette > révolte est organisée par les réseaux de dealers et de mafias ou par des > réseaux religieux musulmans, sont fausses. Ceci ne signifie pas que des > jeunes > impliqués dans des trafics ou proches de réseaux religieux n'aient pas été > acteurs de ces événements, mais il n'y a pas eu d'organisations > téléguidées de > l'extérieur. Dans cette révolte, l'enjeu premier était " d'en être ", > d'affronter la police, de mettre le feu et de devenir acteur sur la scène > audiovisuelle. > > Ce mouvement non organisé n'a pas de revendications immédiates, mais il > n'est > pas sans résonance politique. C'est une révolte politique sans un accès > direct > au langage de la société et à des formes d'organisation collective... Cela > correspond à des formes d'organisation et des façons de s'exprimer que > nous > connaissons bien dans la culture quotidienne des jeunes, enfermés dans ces > cités... Aujourd'hui environ 2500 jeunes font l'objet de mesures > judiciaires. > Les tribunaux par la procédure de traitement en temps direct ont pris de > façon > massive des décisions graves dans des délais très courts. De nombreux > jeunes > ont aujourd'hui un casier judiciaire et certains feront l'expérience de la > prison. Nous pouvons penser que leur avenir sera fortement influencé par > ces > décisions. Comment les accompagner, eux et leur famille ? L'enjeu est > essentiel > tant pour les institutions que pour le mouvement social. Il serait dommage > de > laisser les réseaux religieux se saisir seuls d'un tel enjeu qui concerne > directement l'exercice de la démocratie et de la citoyenneté. > > > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > Pourquoi les jeunes ont-ils exercé des violences > et des incendies au plus près de chez eux > et non dans les quartiers des plus riches ? > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > > Les adolescents de ces quartiers vivent un processus d'enfermement. En > sortir > suppose une confrontation à l'extérieur difficile pour eux. Ils ne peuvent > aujourd'hui s'appuyer sur des formes d'organisation qui le permettent. > Brûler > les écoles ou les gymnases sont des attaques à la fois contre les > institutions > et contre eux-mêmes. Ces actes ont une portée autodestructrice mais > permettent > d'exister par rapport à l'extérieur dans une image de soi qui fait peur > aux > autres. Brûler les voitures est un acte simple et rapide qui est source de > représentation et de jouissance immédiate. > > Tenir compte de cette dimension autodestructrice permettrait de reprendre > le > débat avec ces jeunes. Le passage à des revendications et à des formes > d'organisation suppose d'autres modes de présence et de dialogue. C'est un > chantier pour les forces politiques de gauche. > > Pourquoi les parents n'ont-ils pas pu s'opposer à la participation de > leurs > enfants à ces événements ? Sont-ils " démissionnaires " ? Sont-ils " > débordés " > ? > > Face aux difficultés d'avoir un avenir pour leurs enfants, face aux > conditions > de vie quotidiennes, aux conditions de travail et d'habitat, les parents > éprouvent au quotidien de grandes difficultés pour exercer leur autorité > par > rapport à la socialisation des enfants. Pour autant, nombre d'entre eux > sont > très présents et s'efforcent de transformer ces difficultés. Nombre de > frères > et sours y contribuent. Il est donc simplificateur de désigner globalement > les > parents comme démissionnaires. Confrontés aux même situations, nombre > d'entre > nous serions en difficulté. La question posée est celle du dialogue et du > soutien à apporter à ces parents tout en reconnaissant leurs ressources, > leurs > capacités d'initiative et leur désir d'être des parents actifs et > responsables. > > Les débats menés à l'issue de ces révoltes montrent que nombre de parents > sont > ambivalents par rapport aux actes de leurs enfants. Ils condamnent ces > conduites mais sont eux-mêmes révoltés par les situations vécues par leurs > enfants. D'une certaine façon, ils comprennent ces révoltes. Plus nous > condamnerons ces parents sans comprendre ce qu'ils vivent, moins nous > pourrons > être solidaires de leur destin et de celui de leurs enfants. C'est aussi > un > enjeu de solidarité politique. > > > > ___________________________________________________ > 2. Eléments d'analyse sur cette révolte > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > > Cette révolte n'est pas une surprise. Le malaise des jeunes vivant dans > ces > quartiers et le refus de la société adulte à leur accorder une place ne > sont > pas nouveaux. Les raisons structurelles du chômage, de la précarisation, > de > l'habitat ne suffisent pourtant pas à expliquer la révolte de cette > jeunesse. > > La revendication des jeunes à être reconnus dans leur histoire et leur > identité > est d'autant plus importante que l'histoire de leurs parents s'éloigne. Le > dialogue, la place symbolique et concrète de ces jeunes dans notre société > représente un enjeu central pour la démocratie. Soutenir leur affirmation > identitaire permet de lutter contre leur enfermement dans une catégorie > simplificatrice telle que celle de musulman. Des recherches montrent > qu'aujourd'hui ces jeunes s'identifient à la fois à l'espace local mais > aussi à > l'espace national et international. Plus ils peuvent exercer concrètement > leur > rôle d'acteur social et politique et plus ils peuvent se reconnaître comme > citoyen de notre société. > > Or le seul travail sur les inégalités socio-économiques ne peut répondre à > un > tel enjeu. Ce travail, bien sûr indispensable, doit être relié à la > reconnaissance des enjeux spécifiques de ces jeunes dont les parents sont > venus > d'Afrique noire, du Maghreb ou d'ailleurs, pour faire vivre l'industrie > française. > > De plus certains jeunes en rupture d'une inscription sociale > institutionnelle > s'inscrivent dans des modes de vie immédiats où la toxicomanie et la > survie par > les trafics joue un rôle important. Face à la dégradation que représentent > de > telles situations, certains jeunes adhérent à des courants religieux > islamiques > et trouvent là une morale et des possibilités d'identification. Les > rapports à > l'islam sont cependant multiples. Il est important de les comprendre et de > ne > pas les caricaturer. Or, de plus en plus souvent, ces jeunes sont > stigmatisés > en tant que musulman. Cette assignation à une seule identité risque de > renforcer les ruptures. Aujourd'hui, dans notre société moderne et > démocratique, les personnes se construisent de façon active en référence à > des > identités multiples. Ce jeu sur les identités multiples permet d'éviter > les > ruptures violentes et les assignations et d'affirmer son existence > sociale, si > besoin au travers du conflit. Ainsi un jeune issu de l'immigration peut se > reconnaître comme français par l'appartenance nationale, comme musulman > par la > religion et comme enfant d'algérien par son histoire familiale... > L'essentiel > est qu'il invente lui-même sa propre combinaison, en fonction de sa > personnalité. C'est cet acquis d'autonomie qu'il nous faut aujourd'hui > défendre. > > Parallèlement des conditions socio-économiques et politiques expliquent > aussi > cette révolte. > > > > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > 2.1. Le renforcement de la ségrégation > et les changements des politiques urbaines > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > > Cette révolte se nourrit de la dégradation des conditions de vie des > habitants > des quartiers. Celle-ci ne peut uniquement être attribuée aux méfaits de > la > politique gouvernementale depuis 2002. Le creusement des inégalités entre > les > populations de ces quartiers et le reste de la population française n'est > pas > récent même s'il tend à s'accentuer. Dans ces quartiers populaires, les > effets > du libéralisme -désindustrialisation, augmentation des taux de chômage, > précarisation du rapport à l'emploi- sont particulièrement forts et > dépassent > la seule sphère économique. Dans ces quartiers populaires, c'est toute la > culture ouvrière autrefois dominante qui s'est désagrégée. Les collectifs > auparavant adossés sur le partage de valeurs et de pratiques communes se > fragilisent : les solidarités professionnelles et syndicales, les réseaux > familiaux, les solidarités de voisinage se fissurent. Pourtant la > politique > mise en place par le gouvernement depuis 2002 a constitué une rupture. > Elle a > cassé les outils et dispositifs de régulation et de remédiation existants > dans > les quartiers. Elle a remis en cause les modalités de contractualisation > entre > l'Etat et les collectivités locales. > > Les difficultés d'accès à l'emploi, la précarisation du rapport au travail > sont > patents dans ces quartiers. Leurs habitants sont, plus que les autres > français, > touchés par le chômage. En 2004, le chômage y était de 20,7%, soit le > double de > la moyenne nationale. Le fait d'être jeune, immigré ou femme accroît les > risques de chômage dans des proportions inquiétantes. 36% des garçons et > 40% > des filles actifs entre 15 et 25 ans y sont au chômage. De plus la > précarisation s'accroît avec une multiplication des situations > intermédiaires > entre le chômage et l'emploi. La décision de supprimer les emplois aidés, > tels > que les emplois jeunes, a amplifié les difficultés et contribué à > fragiliser > les structures notamment associatives qui en bénéficiaient. > > Dans ce contexte, l'école contribue à la reproduction des inégalités. La > ségrégation -entendue comme concentration de populations de même catégorie > sociale- y est encore plus marquée que dans le quartier. Les familles qui > " > s'en sortent " peuvent accepter de vivre dans un quartier dévalorisé en > attendant mieux, mais rares sont celles qui acceptent de scolariser leurs > enfants dans un établissement dévalorisé. La carte scolaire est > fréquemment > détournée par les ménages qui ont le plus de ressources socio-économiques. > Malgré les politiques de discrimination positives mises en place en > matière > scolaire, les établissements scolaires de ces quartiers accueillent les > enseignants les plus jeunes et les plus inexpérimentés. Dans ces quartiers > plus > qu'ailleurs, les habitants se heurtent à la panne de l'ascenseur social et > aux > limites du système éducatif. > > Parallèlement la ségrégation s'accroît. Elle se manifeste d'abord par le > regroupement des populations les plus aisées dans les mêmes territoires. > Ce > sont en effet les catégories sociales les plus favorisées qui sont les > plus > ségrégées. A contrario les territoires les plus pauvres accueillent de > plus en > plus de ménages défavorisés, souvent d'origine étrangère. Les inégalités > de > ressources entre communes, principalement liées aux différences d'accès à > la > taxe professionnelle, restent très importantes et renforcent ces processus > ségrégatifs. Ce sont en effet généralement les communes dont les > ressources > fiscales sont les plus modestes qui cumulent les charges les plus élevées, > en > raison de l'importance du parc locatif social et de la part importante de > ménages défavorisés bénéficiaires des aides sociales. Pour ces communes la > solution est de compenser ces manques à gagner soit par des taux > d'imposition > plus élevés, soit par un niveau moindre de services aux populations ce > qui, > dans tous les cas, pénalisent les ménages modestes. Les politiques > publiques > mises en place pour lutter ces processus ségrégatifs (quota minimal > obligatoire > de 20% de logements sociaux dans le cadre de la loi SRU, mécanismes de > péréquation fiscale, solidarité fiscale au travers de l'intercommunalité) > sont > intéressantes mais ne parviennent pas à inverser les tendances > structurelles. > Elles ne sont pas suffisamment soutenues par les gouvernements. La loi SRU > peut > être " détournée " par des Maires de communes aisées qui revendiquent de > payer > une amende plutôt que de construire du logement social chez eux. Les > intercommunalités sont trop souvent " de circonstance ", regroupant des > communes de niveaux de ressources équivalents. La réforme fiscale allant > dans > le sens d'une meilleure péréquation des ressources entre communes se fait > toujours attendre. > > Dans ce contexte, la mise en ouvre du Programme National de Rénovation > Urbaine > (PNRU) issu de la loi Borloo (1er août 2003) introduit une rupture par > rapport > à la période antérieure et suscite des interrogations. L'objectif du PNRU > est > d'afficher des résultats quantitatifs en matière de démolitions de > logements > (200 000), de reconstructions (200 000) et de réhabilitations (200 000). > L'enjeu est d'introduire davantage de mixité sociale en attirant les > catégories > intermédiaires et en luttant contre la concentration des ménages les plus > défavorisés. Cela passe par un changement d'image du quartier et par la > constitution d'une offre d'habitat diversifiée (accession, logement privé, > pavillonnaire...). Quelles que soient leurs aspirations aux changements, > les > habitants des quartiers concernés regardent ces projets avec inquiétude : > inquiétudes face aux démolitions, aux relogements et aux augmentations de > loyers qu'elles entraînent et face à l'avenir du quartier et de ses > populations > modestes. S'il est trop tôt pour tirer un bilan de ces projets de > rénovation > urbaine, on peut d'ores et déjà souligner qu'ils sont élaborés et mis en > ouvre > de façon technocratique, sans que les habitants ne soient consultés. Dans > le > discours et les représentations, dévalorisation du quartier, trop souvent > vu > comme un lieu pathogène, sans vie, ni passé, et de ses habitants vont de > pair. > > Il faut aussi évoquer les restrictions liées au recul des financements de > fonctionnement émanant de l'Etat dans le cadre de la politique de la > ville. > Celles-ci ont, depuis 2 ans, touché de plein fouet le secteur associatif > dans > ces quartiers. Ainsi de nombreuses associations qui, depuis des années, > développaient des actions de solidarité, d'accès au droit, de médiation et > d'aide à l'intégration des familles immigrées se sont vues précariser, > voir > remises en cause dans leur action. Plus largement, c'est tout le travail > d'associations locales qui a pâti des restrictions budgétaires et du choix > stratégique d'orienter les financements vers l'urbain et l'investissement > au > détriment du fonctionnement et de l'aide sociale. Les déclarations du > Premier > Ministre, D. de Villepin, reconnaissant que c'était une erreur et > réinjectant > 100 millions d'euros en subventions des associations, n'annule pas la > tendance > de fond au désengagement de l'Etat du social. > > > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > 2.2. Le durcissement de la politique d'immigration > et les lois sécuritaires > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > > La politique d'immigration tend aussi à fragiliser les habitants de ces > quartiers. Les étrangers, qui y sont plus nombreux qu'ailleurs, subissent > de > plein fouet les conséquences des décisions récentes touchant au > durcissement > des conditions d'accès à la nationalité française, aux titres de séjours, > à la > fermeture des frontières et aux restrictions des droits des étrangers. > Loin de > contribuer à une baisse réelle des flux migratoires, ces mesures > répressives > contribuent à augmenter le nombre d'immigrés en situation irrégulière et à > invisibiliser et fragiliser les étrangers et leurs familles. Ces décisions > marginalisent et hypothèquent l'avenir d'une partie de la population, > particulièrement nombreuse dans ces quartiers, les rapports de ces > familles > avec leurs pays d'origine, ainsi que le développement de ces derniers. > > Les lois sécuritaires et l'appel à la tolérance zéro produisent aussi des > effets > délétères dans ces quartiers. Outre le fait qu'elles déplacent l'attention > des > problèmes réels (chômage, discriminations, précarisation, sentiment > d'insécurité...) sur la peur du petit délinquant et sur un mauvais objet " > le > jeune arabo-musulman des cités ", elle contribue à élargir la sphère de ce > qui > est pénalisé englobant dans cette définition des pratiques propres aux > jeunes > des quartiers populaires, telles que le rassemblement dans les halls > d'entrée. > Cette mesure stigmatisante est inapplicable et inefficace. Elle renforce > l'opposition entre les jeunes et les adultes. Elle fait croire qu'il > existe des > solutions simples fondées sur la seule répression. Eviter les gênes liés à > ce > type de rassemblement suppose au contraire une politique fondée sur le > dialogue > entre générations et entre habitants et institutions, sur la médiation, > sur > l'ouverture de lieux adaptés pour accueillir ces jeunes..., c'est à dire > l'exact contraire de ce qui se fait depuis deux ans au travers de la > baisse des > crédits aux associations ou de la décrédibilisation systématique des > professionnels de la médiation. De façon mécanique les lois sécuritaires > Perben > 1 et 2, la " pression de la statistique " et la nécessité d'un affichage > de > résultats en matière pénale ont contribué à augmenter la pression exercée > par > l'institution policière sur les jeunes de ces quartiers populaires. La > multiplication des contrôles d'identité, particulièrement à destination > des > jeunes immigrés, en est l'illustration la plus évidente. > > La justice n'échappe pas à ces changements et participe, elle aussi, de la > chaîne pénale mise en place par le Ministre de l'Intérieur dans l'objectif > de > rationaliser et d'accroître l'efficacité de l'institution judiciaire. > Concrètement cela signifie produire davantage de condamnations pénales > (plus de > 1 million par an dont 380 000 peines correctionnelles) en allant le plus > vite > possible, selon la méthode du " traitement en temps réel ". Les jeunes des > quartiers populaires sont les premiers concernés par ces changements : > parce > qu'ils sont plus nombreux que les autres jeunes à être emprisonnés, parce > qu'ils subissent plus que d'autres le remplacement de l'individualisation > de la > peine par l'application de barèmes standardisés et de plus en plus > répressifs, > ainsi que l'abandon de l'objectif de réinsertion sociale du délinquant au > profit d'une vision déshumanisée qui assigne définitivement le délinquant > à son > statut. > > > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > 2.3. Le renforcement des discriminations > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > > Actuellement, les discriminations sont particulièrement fortes et > concernent > différents domaines : emploi, formation, logement, contrôle policier... > Contrairement à certaines idées reçues, elle touche à la fois les filles > et les > garçons. Si les filles n'ont été en première ligne dans ces révoltes, > elles sont > néanmoins profondément mobilisées sur ces questions et retrouvent des > solidarités avec les jeunes garçons sur ces thèmes. Certaines expliquent > comment, face à la discrimination, elles ont retrouvé dans l'appartenance > à > l'Islam une dignité et des sentiments d'appartenance. > > Au même niveau d'études, les jeunes issus de l'immigration, le plus > souvent de > nationalité française, ne trouvent pas de travail correspondant à leur > niveau > de qualification. Cette discrimination crée des ruptures radicales avec la > société car les familles ont souvent fait des efforts importants pour > soutenir > leurs enfants à l'école. D'autre part ces jeunes adultes diplômés et sans > travail ne sont plus crédibles pour ceux qui sont scolarisés au collège ou > au > lycée. Ils ne constituent plus une potentialité d'identification positive, > un > exemple d'une possibilité de sortie de la position d'exclus. > > Aujourd'hui de plus en plus de jeunes expriment leurs difficultés. Ils ne > se > sentent pas acceptés ni dans leur pays d'origine, ni en France. > Potentiellement > ils sont " sans terre ". Ce processus, ainsi qu e les échos de l'histoire > coloniale les incite à s'identifier aux Palestiniens. Cette question est à > prendre au sérieux et à traiter dans toute sa complexité. > > > __________________________________ > > 3. Enjeux et propositions > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > > Il est urgent de comprendre ce qui s'est passé au travers de cette > révolte. Il > est tout aussi indispensable d'en parler avec toutes les générations. Les > nombreux débats menés dans les villes concernées sont essentiels. Ils > expriment > à la fois la solidarité avec ces jeunes, la révolte potentielle des > adultes et > la nécessité de construire des alternatives politiques à celles proposées > aujourd'hui. > > Dès maintenant il est urgent de s'organiser pour maintenir un travail > collectif, > pour lutter contre ces politiques et soutenir les jeunes qui font > aujourd'hui > l'objet de mesures judiciaires et de peines d'emprisonnement. Il serait > important que ces collectifs ne soient pas seulement constitués par les > acteurs > locaux mais qu'un travail puisse être mené en lien avec d'autres > associations et > acteurs tels que les syndicats et les partis politiques. > > Différents enjeux peuvent être identifiés. > > > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > 3.1. Renforcer les appartenances populaires > pour rompre avec la tentation populiste > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > > Les destructions par incendies de voitures et de bâtiments publics et > privés > renforcent les sentiments de peur et les discours de rejet vis-à-vis de > leurs > auteurs. > > Ces réactions d'hostilité sont alimentées par de multiples discours, > parfois au > plus haut niveau de l'Etat. Ces discours ne peuvent du fait même de leur > récurrence être des maladresses. Certains responsables politiques visent à > gagner des voix sur l'électorat du Front National. > > Ces positions conduisent à exacerber les réactions des jeunes qui y > répondent > violemment. Elles alimentent un cercle vicieux dans lequel les jeunes > risquent > d'être pris au piège en s'identifiant aux discours qui les désignent > négativement. Elles contribuent aussi à exacerber les émotions et les " > désirs > d'en découdre " des populations en faisant entendre que chacun est une > victime > potentielle et doit avoir peur des jeunes de banlieue. > > Les risques sont nombreux : rejet des institutions, accentuation des > divisions > au sein des milieux populaires, voir désignation d'un ennemi interne au > quartier qu'il faudrait éradiquer. > > Malgré ces risques, les mobilisations collectives dans les villes ont > montré > l'existence de solidarités entre les élus locaux, les militants > associatifs et > une partie des habitants. Les collectifs d'habitants cherchant > l'affrontement > direct avec les jeunes ont été très peu nombreux. Il est cependant > nécessaire > d'exercer une grande vigilance à ce propos car il existe un vrai risque de > dérive populiste et xénophobe. > > L'histoire nous indique que les aspirations populistes sont à prendre très > au > sérieux car elles peuvent conduire à la mise en cause d'acquis > démocratiques et > à l'instauration de régimes d'exception. Renforcer la démocratie et la > crédibilité des institutions en endiguant leur instrumentalisation > populiste > constitue aujourd'hui un enjeu majeur pour redonner une chance au conflit > social. Sinon le risque est grand de voir la violence légitimer la > violence > dans un cercle vicieux où la démocratie se perdra. > > > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > 3.2. Lier la révolte des jeunes au mouvement social > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > > Cette révolte a partie liée avec le mouvement social. Pourtant le lien > n'est pas > établi. > > La révolte des jeunes exprime aussi une profonde solitude. Le mouvement > lycéen > de 2004 n'est pas sans lien avec cette révolte. Les jeunes inscris dans ce > mouvement, qui a été fortement réprimé, n'y ont pas trouvé de débouchés > dans un > conflit social. A l'intérieur du mouvement lycéen, la place des jeunes > issus des > quartiers populaires n'a pas été évidente. Il a existé des conflits à > l'intérieur du mouvement lycéen qui n'ont pas été élaborés. > > Dans ce contexte en quoi les révoltes des dernières semaines > expriment-elles un > repli des jeunes au sein des quartiers populaires ? Comment reprendre le > dialogue avec ces jeunes, à partir de leurs modes d'expression, pour aller > vers > plus de conscience politique ? Des travaux de recherche montrent que ces > jeunes > ne sont pas hors des enjeux politiques mais qu'ils ont très peu de lieux > pour > les traduire dans une expérience concrète. Le mouvement social et ses > structures portent une responsabilité à ce propos. Il existe des > potentialités > pour que les jeunes deviennent des acteurs politiques. Cela suppose à la > fois > des lieux de dialogue, la reconnaissance de leurs propres enjeux et la > construction avec eux de combats collectifs. > > Les acquis des professionnels impliqués dans la mise en ouvre des > politiques > publiques des villes ces dernières années constituent des potentialités > pour le > mouvement social. Il est important de faire le lien entre ce travail local > et > quotidien et la définition des enjeux et des pratiques du mouvement > social. > > > > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > 3.3. Faire le lien entre la lutte contre les inégalités sociales > et la reconnaissance des identités > ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ > > Aujourd'hui il existe une forte concurrence entre les systèmes de valeurs > et les > manières de penser le monde. Les valeurs d'égalité, de liberté et de > solidarité > sont mises en cause par la promotion de valeurs profondément liées au > libéralisme : compétitivité, individualisme, efficacité. Les valeurs des > jeunes > et leurs conduites ont partie liées avec l'affirmation de ces valeurs > qu'ils > agissent souvent de façon paradoxale. Ils peuvent en même temps dire > qu'ils > sont solidaires et affirmer que l'on ne peut s'en sortir que par soi-même. > Dépasser ces paradoxes suppose de pouvoir faire l'exercice de son > potentiel > d'acteur social et politique et des responsabilités que cela confère. Ceci > suppose que ces jeunes puissent faire la preuve qu'ils peuvent influencer > le > devenir de la société. > > Aujourd'hui nombre d'entre eux expriment en même temps des sentiments > d'injustice, d'humiliation et de non-reconnaissance. Ils associent > étroitement > l'injustice sociale et la non-reconnaissance de leurs identités > personnelles et > familiales (absence de lieu de prière décent ou de cimetière musulman dans > des > villes où l'immigration est forte et ancienne, non-reconnaissance de leur > histoire dans les manuels scolaires...). Il est donc important que ces > jeunes > et leurs familles puissent revendiquer leurs appartenances et leurs > identités > au travers des luttes sociales. > > Ainsi la lutte contre les discriminations constitue un enjeu majeur dont > il ne > faudrait pas laisser le monopole à la droite, notamment à Messieurs Borloo > et > Sarkozy. Nombre de ceux qui ont aujourd'hui la quarantaine et qui sont > issus de > l'immigration maghrébine, qui ont été déçus par les politiques de gauche > se > tournent, dans une recherche d'exercice du pouvoir, vers l'UMP. Il serait > dommage que les forces de gauche et le mouvement social laissent à ce seul > parti le traitement d'un tel enjeu. > > Pour ce faire, il est important de faire le lien entre l'injustice sociale > et > les discriminations. > > > --- > Fondation Copernic-BP 32-75921 Paris cedex 19 > Tel : 06.75.25.77.76 Email : fondation.copernic@ras.eu.org > Http : //www.fondation-copernic.org > > >
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